La loi n°2022-1158 comporte plusieurs dispositions tendant à favoriser le pouvoir d’achat des salariés et protéger les commerçants.
I. La prime de partage de la valeur
La prime de partage de la valeur prend la suite de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa ou « prime Macron ») tout en l’adaptant.
- Mise en place
La prime de partage de la valeur concerne les entreprises de toute taille, et peut être versée depuis le 1er juillet 2022.
Elle peut être identique pour tous les salariés ou variée selon des critères de modulation :
- rémunération, avec possibilité de fixer un niveau maximal de rémunération pour être éligible à la prime
- niveau de classification,
- ancienneté dans l’entreprise,
- durée de présence effective pendant l’année écoulée
- durée de travail prévue au contrat.
Le montant de la prime ainsi que les conditions de modulation du niveau de la prime selon les bénéficiaires doivent être définis par accord d’entreprise ou de groupe, ou par décision unilatérale de l’employeur.
En cas de décision unilatérale, l’employeur devra consulter préalablement le CSE.
Si le versement de la prime ne peut pas être mensualisé, il peut être fractionné et versé dans la limite d’une fois par trimestre, au cours de l’année civile (soit 4 fractionnements possibles).
Lorsque les plafonds de 3 000 € ou 6 000 € n’ont pas été atteints, l’entreprise pourra effectuer, une fois au cours de l’année civile, un versement complémentaire de prime, au titre d’un nouvel accord ou d’une nouvelle décision unilatérale dont l’unique objet sera d’en fixer la date et le montant.
Cette prime ne devra se substituer à aucun élément de rémunération, ni à des augmentations de rémunération ou primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou un usage.
- Exonérations de charges sociales pérenne :
Quel que soit le niveau de rémunération du salarié, la prime est intégralement exonérée de charges dès lors que son montant ne dépasse pas 3 000 € par année civile et par bénéficiaire.
Cette limite est portée à 6 000 € lorsqu’à la date du versement de la prime ou sur le même exercice :
- un dispositif d’intéressement est mis en œuvre ou conclu dans les entreprises d’au moins 50 salariés soumises à l’obligation de mettre en place la participation ;
- un dispositif d’intéressement ou de participation est mis en œuvre ou conclu dans les entreprises de moins de 50 salariés.
La loi pérennise cette exonération qui porte sur toutes cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur, dans la limite des plafonds précités de 3 000 € ou 6 000 €.
- Exonération fiscale limitée et temporaire :
La prime bénéficie d’une exonération fiscale mais de manière limitée et à titre temporaire : seront exonérées d’impôt sur le revenu et de CSG/CRDS les primes répondant aux deux conditions cumulatives :
- être versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023
- bénéficier aux salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois la valeur annuelle du Smic au cours des 12 mois précédant leur versement.
Quant à l’impôt sur le revenu, l’exonération est limitée : en cas de cumul de la prime de partage de la valeur avec la Pepa attribuée au titre de la loi de finances rectificative pour 2021, le montant total exonéré d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2022 ne pourra pas excéder un montant de 6 000 €.
Le forfait social s’applique sur la prime de partage de la valeur, dans les mêmes conditions que sur les sommes versées au titre de l’intéressement.
II. Mesures en faveur de l’intéressement :
Plusieurs dispositions de la loi tendent à inciter les entreprises à mettre en place de l’intéressement en faveur de leurs salariés
- Allongement de la durée du dispositif
Afin d’inciter les entreprises à se doter d’un dispositif d’intéressement, la loi prévoit que l’intéressement peut être mis en place, par la voie d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de l’employeur, pour une durée maximale de cinq ans (au lieu de un à trois ans actuellement).
Les accords d’intéressement dont la renégociation n’a pas été réclamée continueront à être reconduits de manière tacite. Une fois publiée, la loi permettra de procéder « plusieurs fois » à ce renouvellement par tacite reconduction.
- Mise en œuvre facilitée
Jusque-là réservée aux entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical ou de membre élu au CSE, la mise en place l’intéressement par la voie de la décision unilatérale est ouverte aux entreprises de moins de 50 salariés.
Ainsi, les entreprises de moins de 50 salariés, qui ne sont pas couvertes par un accord de branche, pourront mettre en place l’intéressement par décision unilatérale dès lors qu’elles sont :
- dépourvues de délégué syndical et de CSE. L’employeur devra alors en informer ses salariés par tous moyens ;
- pourvues d’au moins un délégué syndical ou d’un CSE, et ont échoué à négocier un accord d’intéressement. Un procès-verbal de désaccord devra être établi, consignant en leur dernier état les propositions respectives des parties. En outre, le CSE devra être consulté sur le régime d’intéressement au moins 15 jours avant son dépôt auprès de l’administration.
Le renouvellement de ce dispositif d’intéressement pourra également intervenir par décision unilatérale.
- Sécuriser et accélérer le déploiement de l’intéressement
Plusieurs dispositions de la loi visent à sécuriser et accélérer la mise en œuvre des accords d’intéressement. Elles s’appliqueront aux accords déposés à compter du 1er janvier 2023.
o Pour toutes les entreprises, une procédure dématérialisée de rédaction des accords d’intéressement sera mise en place afin de permettre de vérifier leur conformité aux dispositions légales.
Le site www.mon-interessement.urssaf.fr sera donc adapté, afin de générer des accords ou décisions unilatérales types dont le contenu sera construit pour être conforme aux textes légaux en vigueur, en encadrant davantage les choix de rédaction.
Lorsqu’un accord aura été rédigé selon cette procédure dématérialisée, les exonérations sociales et fiscales liées à l’intéressement seront « réputées acquises pour la durée dudit accord à compter de son dépôt ». Les conditions de mise en place de cette procédure dématérialisée et de sécurisation des exonérations seront précisées par un décret en Conseil d’État.
o La loi supprime le contrôle préalable de légalité des accords d’intéressement exercé par les DDETS (qui disposaient d’un délai d’un mois pour délivrer le récépissé attestant du dépôt de l’accord et du contrôle de la validité de ses modalités de conclusion)
Les organismes de recouvrement continueront à disposer d’un délai fixé par décret pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales. Ce délai ne pourra excéder trois mois, réduisant d’au moins un mois la durée du contrôle préalable des accords.
o La procédure d’agrément des accords de branche d’intéressement mais aussi celles des accords de participation ou instaurant un plan d’épargne salariale ne pourra plus excéder quatre mois (contre 6 mois avec possibilité de prorogation actuellement).
o La loi assimile désormais le congé de paternité et d’accueil de l’enfant à une période de présence, lorsque la répartition de l’intéressement est proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise, comme c’est déjà le cas pour les périodes de congé maternité, de congé d’adoption et de congé de deuil.
III. Possibilité de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale
La loi autorise les salariés à débloquer leur épargne salariale avant l’expiration des délais de droit commun (les sommes placées en épargne sont, sauf exceptions, indisponibles pendant au moins cinq ans).
Ce déblocage exceptionnel, réalisé à la demande du salarié, sera permis jusqu’au 31 décembre 2022, en une seule fois, dans la limite d’un plafond global de 10 000 € net de prélèvements sociaux.
Il concerne les sommes issues de l’intéressement ou de la participation affectées sur un plan d’épargne salariale avant le 1er janvier 2022 et doit être réalisé pour « financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de service ». Les sommes débloquées bénéficieront d’une exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.
Cette faculté de déblocage anticipée ne s’appliquera pas aux fonds investis dans les entreprises solidaires, ni aux sommes affectés aux plan d’épargne retraite.
En outre, la loi prévoit que le déblocage des sommes placées en titres d’entreprise, sur un fonds commun de placement d’entreprise ou dans une société d’investissement à capital variable, est conditionné à la conclusion d’un accord collectif, lequel pourra prévoir de limiter les versements à une partie des avoirs en cause.
L’employeur sera tenu d’informer ses salariés de cette faculté de déblocage dérogatoire « dans un délai de deux mois à compter de la promulgation » de la loi. L’organisme gestionnaire ou, à défaut, l’employeur devra déclarer à l’administration fiscale le montant des sommes débloquées. Et le bénéficiaire devra tenir à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant de l’usage qu’il a fait des sommes débloquées.
IV. Favoriser le relèvement des minima salariaux de branche
Les organisation patronales représentatives au niveau d’une branche professionnelle devront engager des négociations sur les salaires dans un délai réduit à 45 jours (au lieu de trois mois) lorsqu’un ou plusieurs minima conventionnels sont inférieurs au Smic.
La loi permet au ministère du travail d’initier une procédure de restructuration des branches en cas d’insuffisance des négociations pour rehausser les minima conventionnels au niveau du Smic. Cela ouvre la voie à une procédure de fusion administrative avec une autre branche.
Enfin, une procédure d’extension accélérée est instaurée pour l’extension des accords salariaux lorsqu’au moins deux revalorisations du Smic sont intervenues dans les 12 derniers mois précédant la conclusion d’un avenant à une convention étendue ne portant que sur les salaires. La durée maximale de la procédure d’extension de ces avenants sera définie par voie réglementaire et ne pourra excéder deux mois.
IV. Un régime social favorable pour les heures supplémentaires
La loi étend la déduction forfaitaire des cotisations sociales patronales au titre des heures supplémentaires au-delà des petites entreprises (article L 241-18 du code de la sécurité sociale). Ainsi, les heures supplémentaires réalisées à compter du 1er octobre 2022 au sein entreprises d’au moins 20 salariés et d’au plus 249 salariés bénéficieront de cette réduction.
Le dispositif ne s’applique pas aux heures complémentaires.
Il concerne par contre les jours de repos auxquels peuvent renoncer les salariés en forfait-jours en accord avec leur employeur.
La déduction s’imputera sur le montant des cotisations et contributions sociales patronales dues au titre des majorations salariales associées aux heures supplémentaires ou aux jours de repos auxquels ont renoncé les salariés en forfait-jours, sans pouvoir dépasser ce montant. La réduction ne sera en outre pas applicable en cas de substitution de ces revenus d’activité à des sommes soumises à cotisations sociales, à moins qu’un délai de 12 mois ne se soit écoulé depuis le dernier versement de ces sommes.
Le montant de la déduction (qui pourrait atteindre 50 centimes par heure), ainsi que les modalités d’application de ce dispositif, notamment seront fixés par décret.
V. Autres mesures sociales :
- Baisse de cotisation d’assurance maladie des travailleurs indépendants
La loi procède à une baisse pérenne des cotisations sociales acquittées par les travailleurs indépendants dont le revenu net d’activité est proche du Smic.
La mesure consiste en un renforcement de la réduction de cotisation d’assurance maladie des artisans, commerçants, professions libérales et chefs d’exploitation agricole, dont la rémunération est proche ou inférieure au Smic. Il est ainsi prévu que le taux devienne nul (hors indemnités journalières, lesquelles seraient néanmoins abaissées pour les artisans et commerçants à 0,50 % au lieu de 0,85 % actuellement) à hauteur d’un niveau de rémunération équivalent à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass). Le taux de la cotisation évoluerait ensuite progressivement entre 40 % et 60 % du Pass, puis entre 60 et 110 %. Le taux maximal serait atteint à partir de ce dernier seuil.
La réduction, qui s’appliquera aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2022, permettra un gain de l’ordre de 550 € soit 15 632 euros a précisé le Gouvernement. Un décret doit intervenir pour mettre en œuvre cette mesure.
- Revalorisation de façon anticipée les prestations sociales
La loi prévoit une revalorisation anticipée de 4 % de plusieurs prestations sociales, à effet du 1er juillet 2022, afin de tenir compte de l’importante hausse de l’inflation. Sont notamment visées par cette mesure les pensions de vieillesse de base du régime général, les pensions d’invalidité, les rentes AT-MP et indemnités en capital, les prestations familiales, les allocations aux adultes handicapés (AAH), la prime d’activité …
En revanche, les pensions de retraite complémentaire Agirc-Arrco, gérées par les partenaires sociaux et dont la revalorisation intervient au 1er novembre, ne sont pas visées.
VI. Plafonnement Indice des Loyers Commerciaux
L’article 14 précise que la variation annuelle de l’indice des loyers commerciaux prise en compte pour la révision du loyer applicable aux petites et moyennes entreprises ne peut excéder 3,5 % pour les trimestres compris entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023.
Par conséquent, la hausse des loyers commerciaux des PME sera plafonnée à 3,5% pendant un an.