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La cession du fonds de commerce d'un hôtel, d'un bar, d'une brasserie, d'un café, d'un restaurant ou d'une discothèque est un acte juridique important, qui nécessite l'intervention d'un professionnel du droit. Il est essentiel pour l'acquéreur qui souhaite sécuriser son opération de posséder toutes les informations nécessaires concernant la consistance du fonds de commerce cédé.
Une fois le compromis signé, un certain nombre de démarches et formalités doivent être réalisées.
La cession d’un fonds de commerce d’un hôtel, d’un bar, d’une brasserie, d’un café, d’un restaurant ou d’une discothèque implique la vente de plusieurs éléments :
- les éléments incorporels, qui sont constitués notamment de la clientèle, l’enseigne, du nom commercial, du droit au bail, des contrats de travail, d’assurance et d’édition, droits de propriété littéraire, artistique et industrielle, nom de domaine, marchés en cours ;
- les éléments corporels, à savoir notamment le matériel, le mobilier, l’outillage, et les marchandises et le stock.
► Les mentions dans l'acte de cession
Avant la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, l’acte de cession de fonds de commerce devait contenir des mentions obligatoires : le nom de l’acquéreur, du vendeur et la désignation du fonds de commerce, le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition, les marchandises et le matériel, l’état des privilèges et nantissements, le chiffre d’affaires et les résultats d’exploitation réalisés durant les trois derniers exercices, et les éléments du bail ( date, durée, nom et adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu). L’omission de l’un de ces éléments pouvait, sur la demande de l’acquéreur formée dans un délai d’un an, entraîner la nullité de l’acte (article L141-1 du code de commerce). À défaut, la demande était prescrite.
Le délai était essentiel, la cour d'appel de Caen avait encore récemment déclaré une demande irrecevable, puisque “l'acquéreur devait demander la nullité de l'acte dans l'année de sa signature” (CA Caen, 23 avril 2019, n° 16/03673). Si l’acquéreur laissait passer le délai d’un an à compter de la signature de l’acte, il ne pouvait plus invoquer la nullité pour omission d’une des mentions obligatoires, et ce dans une action ou en défense.
Dorénavant, la loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, dite Soilihi, du 19 juillet 2019 (entrée en vigueur le 21 juillet 2019, date de sa publication au Journal officiel) abroge l’article L141-1 du code de commerce, supprimant des mentions légales obligatoires à porter sur l’acte de cession d’un fonds de commerce et, de fait, à la suppression de la prescription d’un an au titre de l’action en nullité.
La responsabilité du cédant pourra cependant être engagée au titre de son obligation précontractuelle d’information dans le cadre du droit commun (article 1112-1 du code civil). L’action en nullité restera néanmoins possible sur le fondement du droit commun des contrats, c’est-à-dire l’erreur, le dol ou la violence comme indiqué ci-dessous (article 1130 du code civil). Cette action pourra être exercée pendant cinq ans.
Ainsi, en pratique, il est toujours conseillé de maintenir ces mentions obligatoires lors de la rédaction de l’acte de vente du fonds de commerce, pour sécuriser juridiquement l’opération
- dans l’intérêt du cédant : il aura prouvé avoir rempli son obligation d’information sur des éléments essentiels du contrat, et donc être de bonne foi ;
- dans l’intérêt du cessionnaire : il sera sécurisé lors de la reprise de l’affaire, sinon il prend un très gros risque.
En pratique, il est également conseillé d’indiquer les horaires d’ouverture et de fermeture du fonds de commerce dans l’acte de cession, ainsi que l’énonciation de tous les contrats liant le cédant (bière, fournitures, contrats de travail,…). Généralement, il est inséré une clause sur l’existence ou non d’un crédit, et si son obtention est l’une des conditions suspensives de la vente.
Il est conseillé au cessionnaire de se faire accompagner par un professionnel du droit avant et lors de la mise en œuvre de l’opération car l’avocat va sécuriser au maximum l’opération ; à défaut, il peut y avoir des conséquences financières, fiscales et sociales désastreuses.
► Vérification des éléments composant le fonds
Il est essentiel pour l'acquéreur qui souhaite sécuriser son opération de posséder toutes les informations nécessaires concernant la consistance du fonds de commerce cédé.
L’enjeu pour le futur cessionnaire est de procéder à un audit juridique, social et financier de chacun des éléments composant le fonds de commerce afin de s’assurer de leur réalité, de leur cohérence, et de la situation saine du fonds pour éviter les mauvaises surprises : contrats de travail fictifs ou non déclarés, stock non-réel de marchandises, situation du bail (renouvellement, montant du loyer et des charges…), immobilisations…
Il a été jugé que la créance d'indemnité d'éviction due au cédant est transmise à l’acquéreur ainsi que le droit au maintien dans les lieux, même si la cession est postérieure au congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction. Le cessionnaire d'un fonds de commerce a droit à la réparation du trouble commercial que lui cause l'éviction (CA Aix-en-Provence, 20 septembre 2018, n° 17/01877).
Certains contrats ne sont pas transmis avec le fonds de commerce, contrairement aux contrats de travail : par exemple, ceux de fourniture de bière ou de distribution (sauf accord tripartite).
► Les risques d’une vente de CHR non sécurisée
Il existe des actions au bénéfice de l’acquéreur.
- Il peut demander et obtenir la nullité de son acte de vente pour erreur sur les éléments essentiels du fonds ou plus souvent le dol, car le vendeur a pu occulter certaines informations déterminantes (articles 1130 et suivants du code civil). Par exemple, l’acquéreur peut se fonder sur l’absence de remise des livres comptables sur 3 ans pour obtenir la nullité de la cession, sauf s’il déclare les avoir eus et connaître les conditions d’exploitation du fonds de commerce (Ccass. Com. 14 février 2018, n° 16-24.555). La violence est aussi une cause d’annulation des contrats.
L’intérêt est de pouvoir exercer son action dans les cinq ans. L’acquéreur va ainsi obtenir la restitution du prix totalement en cas d’annulation de la vente.
Il peut demander la restitution du prix mais aussi simplement une réduction de prix significative dans le cadre de la garantie des vices cachés (articles 1641 et suivants du code civil), compte-tenu du préjudice subi. Cette action doit être exercée dans le délai de deux ans à compter de la découverte par l’acquéreur de l’élément significatif caché par le vendeur. Cette action peut par exemple, porter sur la rentabilité du CHR (Ccass. Com. 14 février 2018, n° 16-24.555).
La cour d'appel de Bordeaux a ainsi récemment jugé de la réduction du prix pour réticence dolosive du vendeur, conformément à la jurisprudence traditionnelle. Le vendeur n’avait pas informé l'acquéreur du non-renouvellement par la mairie de l’autorisation de terrasse qui représentait 20 % du chiffre d’affaires de l’établissement, c’est-à-dire une part significative (CA Bordeaux, 10 septembre 2018, n° 16/05.048).
- L’acquéreur peut demander et obtenir des dommages-intérêts. Le vendeur a une obligation précontractuelle d’information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre (article 1112-1 du code civil), ce qui fonde l’acquéreur à demander des dommages et intérêts en plus.
Toutes les clauses et déclarations présentes dans l'acte de cession sont donc en pratique importantes et il y a une nécessité absolue d’avoir recours à un avocat spécialisé des CHR, tant du côté du vendeur que de l’acquéreur, d’autant que de nombreux éléments susceptibles de fonder l’annulation ou la réduction du prix sont spécifiques aux CHR.
Il convient d’être particulièrement attentif aux engagements existant dans le contrat de cession, notamment les obligations de non-concurrence, dont les juges assurent l'efficacité. Les gérants ne peuvent, au même titre que la société cédante, violer une obligation de non-rétablissement dans le même secteur stipulée dans l’acte, sous peine de dommages et intérêts équivalent à la perte de chiffre d’affaires engendré (Ccass. Com. 9 janvier 2019, n° 17-20.526).
Il faut donc sécuriser au maximum la vente d’un CHR lors de la rédaction du compromis de vente afin d’éviter ces risques.
► Les démarches et formalités une fois le compromis signé
Une fois le compromis signé, un certain nombre de démarches et formalités doivent être réalisées : l’information préalable des salariés dans les établissements de moins de 250 salariés, les déclarations à la mairie (renseignements et déclaration d’urbanisme, déclaration de la cession projetée aux fins d’exercice du droit de préemption de la mairie et déclaration aux fins de transfert de licences de débits de boissons), la publicité au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) et les déclarations fiscales, les déclarations au centre des formalités des entreprises et le dépôt au greffe.
► Pas de transmission du passif du cédant
La cession de fonds de commerce présente pour le cessionnaire un avantage certain dans la mesure où le passif du cédant ne lui est pas transmis. Une “simple cession de fonds de commerce n'implique pas pour autant une transmission du passif” tel que l’a rappelé la cour d’appel de Colmar (CA Colmar, 23 novembre 2018, n° 570/2018).
En effet, le prix de vente sert à payer les dettes du cédant. Le prix séquestré pendant un certain délai, dit d’opposition, sert à purger les dettes. La situation est inversée dans le cas de la cession des titres d’une société. Sans clause de garantie de passif, le cessionnaire court le risque de payer les dettes du cédant puisqu’il achète des titres d’une société qui reste existante et qui est débitrice d’un certain passif.
► Les exonérations de plus-values
La cession peut générer une plus-value. Le cédant doit clôturer ses comptes et déclarer les revenus de son exercice clos pour le calcul de l’impôt sur le revenu (IR) et/ou sur les sociétés (IS). Le délai de déclaration de la cession varie entre 45 et 60 jours selon le statut juridique ou fiscal du cédant.
- Si l’entreprise cédante est soumise au régime de l’IR, il faut distinguer la plus-value à court terme et celle à long terme, en fonction d’une durée de détention du fonds de commerce supérieure ou inférieure à deux ans.
- En cas de plus-value à court terme, elle est en principe imposable dans le résultat de l’entreprise soumise à l’IR. Elle est donc imposable dans les conditions et taux d’imposition de l’IR (article 39 quaterdecies du code général des impôts).
- En cas de plus-value à long terme, elle est imposable au taux de 30 %, aussi appelé prélèvement forfaitaire unique, qui regroupe un impôt à 12,8 % et des prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %.
- Si la société est soumise à l’IS, la plus-value issue de la cession est en principe imposée au taux ordinaire d’imposition auquel elle est soumise.
- 15 % (jusqu’à 38 120€ dans les conditions prévues par la loi de finances 2018).
- Exercice ouvert à compter du 1er janvier 2019 : taux de 28 % jusqu’à 500 000 € de bénéfice imposable ; et de 31 % au-delà de 500000 €.
- Exercice ouvert à compter du 1er janvier 2020 : 28 %.
- Exercice ouvert à compter du 1er janvier 2021 : 26,5 %.
- Exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022 : 25 %.
Plusieurs exonérations de plus-value existent, notamment en fonction :
- des recettes réalisées par l’entreprise dans les conditions de l’article 151 septies du code général des impôts : exonération totale en cas d’activité pendant cinq ans et recettes annuelles inférieures à 250 000 € ; exonération partielle si les recettes sont comprises entre 250 000 € et 350 000 € ;
• de la valeur du fonds de commerce cédé. Il y aura une exonération totale de la plus-value si la valeur du fonds est inférieure à 300 000 € dans les conditions de l’article 238 quindecies du code général des impôts ;
• en cas de départ en retraite du dirigeant, il y aura une exonération totale dans les conditions de l’article 151 septies A du code général des impôts lorsque l’activité est exercée depuis au moins cinq ans, que le contribuable exerce son activité professionnelle dans l’entreprise et que le cédant cesse toute activité dans l’entreprise et fait valoir ses droits à la retraite dans les deux ans.
Il convient donc pour l’acquéreur comme pour le vendeur d’analyser avec leur avocat tous les aspects juridiques, financiers et fiscaux préalablement à la signature d’un compromis, afin de sécuriser au maximum l’opération.
Sophie Petroussenko Hôtellerie restauration